Chez Asafumi Yamashita, l’homme qui se met à la place des légumes

Il y a deux catégories de personnes : celles qui prévoient longtemps à l’avance et les autres, celles qui aiment les légumes et les autres, celles qui ont la papille curieuse et les autres… A chaque fois, nous nous reconnaissons dans la première. C’est ainsi que JC, au palais avide de denrées saines et de plats envoûtants, réserve chez Asafumi Yamashita mi-mars.

JC : Chérie, j’ai réservé une table d’hôtes pour… dans deux mois et demi, à cinq personnes.
AL : ??!!?? (aka stupéfaction)

Nous décidons d’embarquer dans notre aventure trois compères peu portés sur la malbouffe, et nous voilà en ce dimanche ensoleillé, bientôt attablés chez Asafumi, propriétaire d’une table d’hôtes et surtout, surtout, jardinier orfèvre et maraîcher de luxe.
Youpi ! Une chouette expérience gustative en perspective, assortie d’une leçon de botanique.

Asafumi Yamashita @babaorun

Asafumi Yamashita @babaorun

En guise d’échauffement, la visite du potager

Après une heure de route, nous parvenons à Chapet -1200 habitants-, bled hautement bucolique, non loin des Mureaux (nettement moins bucolique). Maisons de pierres blanches, jolie petite église avec une voiture de kéké garée devant, les ploucs vont décidément partout, fleurs, arbres, petits oiseaux, soleil qui poudroie et herbe qui verdoie.

Asafumi et son épouse nous accueillent, les autres clients avec qui nous sommes censés partager notre table ne viendront pas. Tant mieux ! Eh oui, parfois nous sommes ours.
Bienvenue au « Kolo », chez le roi des légumes franco-japonais, qu’il cultive avec amour.
Il nous raconte d’ailleurs fièrement que la Première dame du Japon est venue en voyage privé récemment chez lui expressément… Classe et respect !

Asafumi et JC @Babaorun

JC inonde Asafumi de questions, étonnant non ? @Babaorun

Nous le questionnons beaucoup et notamment sur sa façon de cultiver ses légumes. Non il ne parle pas à ses plantes, non il n’a pas d’employés, il fait tout tout seul. Il se targue de ne jamais sourcer d’infos dans les livres, de fonctionner au feeling, à l’expérience. Dans un article du Monde, Asafumi dit une phrase qui résume tout : « Je me mets à la place de mes légumes, et je leur fais ce que j’aimerais qu’on me fasse »!

Chou et edamame @copyright Babaorun

Chou et edamame 

En nous voilà partis à arpenter les serres et les semis d’Asafumi, essayant de reconnaître la nature des plantations. Il faut bien l’avouer, on est assez nuls ! A notre corps défendant, M. Yamashita cultive des légumes classiques comme les haricots verts, des tomates rares (ouais, ok, ce sont des fruits, ça va, la ramenez pas trop hein !) ou le potiron, mais aussi une palanquée de légumes japonisants, que l’on voit rarement pousser : edamame, kindiso (ça sonne comme « Clint Eastwood » kindiso, nom d’une plante à feuilles violettes sur une face et vertes sur l’autre). JC : Et à ce stade, on n’a pas bu, notre ouïe est intacte.

C'est pas Noël pour les pucerons ! @Babaorun

C’est pas Noël pour les pucerons ! @Babaorun

Asafumi nous apprend que les pucerons croient au père Noël détestent les reflets, d’où ces jolies guirlandes dans certaines serres, que les meilleures pommes de terre du monde ne sont pas forcément françaises mais japonaises, et que les haricots verts sont si bons ici que l’on peut les déguster directement sur le plant, crus. Dont acte.

10 petits plats, 10 grandes sensations

Puis Mme Yamashita en cuisine nous fait savoir que tout est prêt. A tââââble !
Bienvenue dans la salle à manger de nos hôtes, où une table française nous attend dressée à la japonaise. Les baguettes sont posées parallèlement devant nous, car on nous explique qu’elles constituent une ligne de séparation entre notre existence et celle de notre nourriture, qui va nous permettre de vivre. Nous sommes sensés remercier Dieu en prenant nos baguettes en baguette. Dieu attendra, on a trop faim !

@Babaorun

1. Nous commençons par une petite portion de kindiso (ces feuilles violettes et vertes, si vous suivez bien) servies dans un bouillon de bonite séchée et algues. La bonite est un poisson cousin du thon, assez courant dans le Pacifique (JC : mais depuis Fukushima, il a trois yeux et deux queues !). C’est fin, ça nous ouvre le palais.

2. Petit bol d’edamame et maïs juste blanchis. L’edamame, c’est cette petite cosse ressemblant à des petits pois, une variété de soja qui nous est ici servi frais cueilli et assez mûr (d’un vert jaunissant), quand partout ailleurs, le produit est surgelé. C’est croquant, savoureux à souhait. Le maïs est si doux et tendre qu’on aurait pu le manger au dessert. D’ailleurs Alex qui n’aime pas d’habitude, s’est réconciliée avec cette version du maïs !

3. Arrive une effilochée d’oignons nouveaux, rehaussés de paillettes de bonite séchée, avec une sauce soja. Cela passe très bien, pas trop oignonné (JC : Du coup, on n’a pas une haleine de yack), un peu sucré. Mmmm…

4. Un joli bol agrémenté de deux morceaux de navet cru dans une sauce à l’anchois et décorés de quelques pétales de chrysanthèmes. Nous nous accordons à trouver que d’habitude, le navet ne nous fait pas délirer. Là, il est souple, juteux. On dirait de la pastèque lance Lucile, on plussoie ! La sauce est subtile, c’est fou comme deux morceaux d’un légume sans intérêt peuvent là nous emmener loin dans le plaisir.

Haricots sésame trop bons @Babaorun

Haricots sésame trop bons @Babaorun

JC : Oui ? Tu parles de moi 
AL : Non, du navet, patate !

5. Arrive une petite portion (JC : La cuisine est japonaise, pas corse ! AL : Oui mais j’ai entendu dire que l’on ne doit pas sortir over-repus d’un repas japonais, pour se sentir vraiment bien.) de haricots verts au sésame. Les haricots sont croquants et révèlent beaucoup de douceur en bouche, ils ont juste été assouplis dans de l’huile de sésame. Ce sera je crois mon plat préféré.

6. Notre hôte nous apporte des salades en nous précisant « Il faut manger des salades pour rester belle ». Alors Lucile, Alex et moi dégustons de bon cœur (de toute façon, nous avons l’habitude de manger de la salade hein, cqfd)… Ce petit mesclun japonisant est composé de diverses feuilles, dont de la wasabina, qui n’a rien à voir avec le wasabi, agrémentées de petits morceaux de carottes jaunes. La sauce est divine, avec du vinaigre de riz et toujours de la bonite séchée.

7. Surgit une boulette frite composée de crevette, coquille saint-Jacques et cabillaud.
JC : Mon plat préféré !
AL : Révélation, JC peut manger des choses frites.
En accompagnement, du radis blanc étuvé qui a une vraie saveur et deux petits carottes super goûtues !

La boulette que JC kiffe ! @Babaorun

La boulette que JC kiffe ! 

8. Poursuivons sur les protéines animales : des bouchées de poulet croquantes, avec quelques fanes et peau de navets, une pointe de radis blanc râpé, sauce soja+ yuzu. Nous nous exclamons moins que lors des précédents plats, peut-être sommes-nous en train de parler de course à pied, ce qui détourne notre attention.

9. Sucres lents : un bol de riz avec quelques miettes de saumon cuit au sésame, accompagné d’une soupe miso avec du tofu en beignet et du chou. Cette soupe légère est délicieuse, bien que moins surprenante que les bols du début.
JC : Oui mais parfait pour se réhydrater un peu entre le blanc et le rouge…

Yann nous ressert du vin, il faut dire qu’après un blanc sec floral bourguignon qui a fait l’unanimité, un rouge catalan ravit notre palais assoiffé. Asafumi nous confesse que ses vins sont sélectionnés par son pote de L’Astrance (pour rappel : une gargote du 16e arrondissement, avec seulement trois étoiles au Michelin).
JC : On a aussi bu de la Badoit !

Gelée de café et thé vert @ Babaorun

Gelée de café et thé vert 

10. Pour conclure notre repas découverte, une gelée de café et goutte de crème, nous est servie avec un thé vert japonais. Le dessert n’est pas la force de la ferme Yamashita, on s’en fout, on est venus pour les légumes de toute façon !
On reprend un autre thé.
JC : Ça tombe à pic, le sucre c’est pas bon.

Nous sommes bien, il fait frais dans cette grande salle à manger, on se vautrerait volontiers dans la balancelle sur la terrasse pour une petite sieste.

La note arrive : 78 euros par personne. Cela peut vous paraître onéreux, pourtant nous avons dégusté des légumes qui ont reçu tant d’amour que ça se perçoit jusque dans leur goût. Que de travail derrière tout ça…
Nous avons bu deux vins sublimes. Et déjeuné sans personne autour, pas de table de Parigots bruyants, pas de circulation, de l’espace, du silence, de l’exclusivité, un service impeccable.
JC : Et une fête des saveurs avec, je vous assure, un équilibre diététique sans faille !

 

Asafumi Yamashita – chambre et table d’hôtes
Le Kolo, Chemin des 3 Poiriers, 78130 Chapet
Tél. : 01 30 91 98 75 – son site (en japonais, mais tu peux traduire !)
Réserve environ 2 mois à l’avance.
Attention, Asafumi ferme en automne et en hiver.

Beverly Hills à Chapet ! Photo Yann Gillet pour Babaorun

Beverly Hills à Chapet ! Photo Yann Gillet pour Babaorun

Pour en savoir plus sur Asafumi, une interview sympa :

 

Si tu es un gourmet, un gourmand et/ou un curieux, tu peux tester d’autres adresses qu’on aime comme :

le café Lomi, pour un café au top
Saravanaa Bhavan, le meilleur Indien de Paris
> Le Paradiso perduto, super bon plan à Venise

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1 réponse à Chez Asafumi Yamashita, l’homme qui se met à la place des légumes

  1. seckler valérie dit :

    WOW …. comme ça donne envie et j’en ai l’eau à la bouche …. mais donc il existe vraiment ce japonais qui cultive des légumes d’exception …. c’était pas seulement pour la fiction de F2 (le feuilleton de F2 avec Clovis Cornillac)
    Merci de partager cette adresse ….

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